Leonor Merino Garcia
Drª de la Universidad Autónoma de Madrid

Literaturas argelinas, marroquíes y tunecinas
Cine magrebí y árabe



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Jean Sénac et Mohammed Dib se sont intéressés à l'Espagne


Leonor Merino
Drª de la Universidad Autónoma de Madrid
autora de “Encrucijada de Literaturas Magrebíes”

Merci à toutes celles et à tous ceux qui ont eu la gentillesse de venir sur cette page.



Je veux, ici, mettre l'accent sur les relations étroites et fort anciennes entre écrivains algériens et écrivains espagnols. À titre d'exemple, je citerai particulièrement Jean Sénac et Mohammed Dib qui se sont intéressés à l'Espagne.


En 1954, Jean Sénac écrivait dans son Journal : " maman catalane, père gitan, puisque Sénac n'est que l'étranger qui m'a reconnu à quatre ou cinq ans ".


En 1958 et 1959, il visitait :


Pamplune - célèbre pour ses "encierros de toros" qu'appréciait Hemingway -;
Salamanque - avec son Université où le poète mystique Fray Luis de León a enseigné, celui que l'Inquisition l'a emprisonné pour avoir traduit du latin le "Cantar de los Cantares" -;
Ávila - avec ses murailles - et ville natale de l'écrivaine mystique "Santa Teresa de Jesús" - ;
Madrid et le "Museo del Prado" ;
Grenade - parsemée de traces arabo-musulmanes: l'Alhambra, le Generalife … - ;
Cadix -"la tacita de plata" où est né le poète Rafael Alberti- ;
Elche -une oasis africaine- ;
Alicante -qui fut aussi sous domination arabe- ;

Jean Sénac s'est promené sur les belles plages de Peñíscola, à Valence, tout en allant, avec ferveur, à la rencontre de ses racines espagnoles.



Son diwan espagnol date du voyage de 1959 et il est publié en partie dans la revue Esprit (nº 12 décembre, 1959, pp. 662-669). Ces poèmes sont précédés d'un poème de Blas de Otero, l'un des plus importants et des plus personnels parmi les poètes espagnols : " Lettres et Poèmes à Nazim Hikmet ". (Curieusement la seconde femme de Blas de Otero, Sabina de la Cruz, qui accompagna le poète jusqu'à la fin de ses jours, a été mon professeur de Littérature pendant les deux meilleures années de ma licence où nous avons eu une mutuelle communion spirituelle). Donc, ce poème de notre poète fut traduit de l'espagnol par Miguel Ramiro et par Jean Sénac. Mais Sénac a traduit un autre poème de Otero : " Chant profond ", publié dans Le Peuple (Alger, nº 8, 24 novembre 1963).


Sénac dédia aussi aux peintres algériens, Louis Nallard et à Marie Manton - qui l'avaient amicalement accueilli à Peñíscola - " Les remparts et la mer " daté du 8 juillet 1959 et publié aussi dans Esprit :



Je pousse des cris contre moi-même,
j'arrache à ses sanglots mon Espagne profonde,
je dis : mère, solitude, lumière,
la nuit seule dans ma voix.


Le poète algérien avait déjà publié dans la revue Simoun (Oran, nº 21, 1956, pp. 34-36)) un premier poème, " Espagne qu'es-tu donc ? ", dédié à Hermann Braün. " Qu'es-tu donc sinon ce frôlement d'épervier dans le cœur / sinon la nuit ". Et le poète, qui disait venir de racines espagnoles, va se demander : " Il n'est secours qui ne vienne des racines / et les miennes où sont-elles ? "

Dans Guitares -daté de 1954-, il va à la recherche d'un nom, d'un père :

J'agace mes gencives aux cailloux de son nom […] les gitans vont venir me coudre les vertèbres en Espagne, la mort allume les safrans.

Ce poète algérien a remué ma sensibilité - à son hommage d'autres lignes sont dédiées dans mon Encrucijada de Literaturas Magrebíes.

Je lui dédie maintenant mes vers:

Sénac aima l'Algérie
Aussi l'Espagne.
Son cœur, celui de Lorca
battaient au même rythme
De l'Espagne tragique.

La rose leur symbole arcane
L'amour leur harmonie en connivence.
Le taureau violence et mort, pour l'un
Pour l'autre, haleine de vie.

Lorca, exécuté à Granada
Sénac, assassiné à Alger.
Morts annoncées, dans le " Romancero Gitano "
.

Et que puis-je dire de Mohammed Dib dont certains des premiers textes sont émaillés de mots espagnols relatifs à des invectives ou à des termes culinaires, objets de notes de bas de page, mais placés sur le même rang que les mots arabes ?

La matière hispanique fait partie de la réalité dibienne. En effet, en 1950 dans Alger Républicain, on trouve deux traductions de Dib : l'une d'un poème inédit de Pablo Neruda : " A Miguel Hernández " et l'autre d'un poème d'Hernández lui-même (notre grand poète "el pastor de Orihuela"): " Viento del Pueblo ".

Au printemps 1947, dans la revue Forge - "Cahiers littéraires Nord-Africaines"- (Alger), est publié "Véga", poème plein de résonances andalouses qui constitue la base de son œuvre et qu'il faut considérer comme le premier texte de Dib, car l'unique poème dont les bibliographies établies par Déjeux (1979) signalent une parution antérieure était signé d'un pseudonyme.

Si à cette époque de l'Algérie coloniale, la référence hispanique était dans ses premières œuvres, par la suite c'est la présence des arabes en Espagne à la croisée des cultures, les accents d'une pensée mystique et ésotérique et une nostalgie douloureuse qui ne le quitteront plus.



I


Mon château si profond ô
Mon amour et fort sans murs
Donne jour et amertume
Sur un terrain de supplices
Étages très doux d'ennui
Vos déserts d'horreur gardez-les
Rayonnants toujours quartiers
D'or aux pâleurs d'esprit

Il n'est pas ombre que vous
N'ayez songée dérisoire


II


Quand tu ne veux
Elle se verra à jamais
Être la ville partout légère

Cœur de Xénia sur toi
Faire d'immenses murs

Un seul pilier dorique
Sépare le vide
Et le poète

Mais deux fois une seule
File, de bronze lubrique
Et la ville desséchée couvre
Les arcs de triomphe
De douceur

Le duvet de la femme
Se détourne de l'olive
Amère

III


Été ô mort qui fus sous les vastes marines
Mensonge la clarté fuit aux mâts de la reine
Va ô détresse la reine sage me tue

Assurance de trop de mensonge on prépare
Ses flancs mauvais la mer les entrepôts de haine
Espérance qui est tristesse d'oriflammes

Visible de partout fenêtre de désastres
Pleine, ma misère est une étoile de sang

Deux poètes algériens, parmi d'autres, qui ont témoigné de l'intérêt pour la littérature espagnole.


Il faut donc secouer notre mémoire mutuelle endormie. Il faut aussi se rappeler un poète algérien en Espagne, Abdallah Hammadi, et un hispaniste algérien -poète de la révolution de 1954-, Salah Negaoui. Se rappeler, également, que nos écrivains espagnols, Aleixandre, Dámaso Alonso, Alberti, Machado, Arrabal, Altolaguirre Goytisolo, parmi d'autres, ont été traduits en langue arabe. Et si l'on savait les considérables écrivains et poètes arabes qui ont déjà été traduits en notre langue !


Et que puis-je dire de la fraternité des villes algériennes envers les Espagnols ?


Pour ne citer qu'Oran (depuis la chute de Granade, les premiers de ces "exilés" débarquèrent sur ses plages): La Porte Africaine ouverte à la très pauvre immigration espagnole et aux républicains (parmi eux les écrivains espagnols exilés dans toute l'Algérie en fraternité avec les hispanistes-algériens) qui jadis étaient partis, ahuris, de leur pays / de mon pays.


Miguel Cervantès : Une appartenance algérienne
Info Soir - 8-9 octobre 2005

Récit du captif

Miguel de Cervantès incarne, à lui seul, par le biais de son roman, un exemple et un symbole de la culture et de l’amitié partagée entre l’Algérie et l’Espagne.



L’institut Cervantès (Centre culturel espagnol d’Alger), en collaboration avec l’ambassade d’Espagne à Alger ainsi que l’association culturelle Mémoire, vient de publier un livre comprenant trois chapitres du grand roman de Miguel de Cervantès, Don Quichotte.


Ce livre – une version trilingue arabe, espagnol et français – est publié pour commémorer le quatrième centenaire de la première édition du roman. Cette publication, placée sous le titre Histoire du captif, raconte et cristallise «les intenses années que l’auteur a passé à Alger, soumis à un régime de captivité assez supportable pour n’importe quelle époque…» Sa captivité a probablement, voire certainement, influencé l’esprit de Cervantès, un esprit ouvert, généreux, universel.


Histoire d'un captif raconte, par la bouche d'un autre personnage, le séjour forcé à Alger, durant cinq ans. Ce personnage commence son récit par la capture de Cervantès, en pleine mer, dans la galère «Sol» (soleil), par «un corsaire habile et intrépide, à l'issue de la bataille de Lépante, puis son emprisonnement dans la ville d'Alger, enfin son retour en Espagne en 1580, après moult aventures singulières et périlleuses.


Miguel Cervantès incarne à lui seul, par le biais de son roman, un exemple et un symbole de la culture et de l’amitié partagée entre les deux pays, l’Algérie et l’Espagne, entre deux rives. Il n'y a pas mieux que Miguel de Cervantès, qui a écrit Don Quichotte, parce qu'il a vécu parmi nous et a été, quelque part, exposé aux influences culturelles mauresques.


Eduardo Calvo, directeur de l’institut Cervantès, dira que «Algériens et Espagnols partageront toujours Cervantès, car il est éternel, hors du temps, n'appartenant ni à demain ni à hier».


Le Prisonnier d’Alger est un autre livre racontant la captivité de Cervantès. Ecrit par Antonio Cavanillas de Blas, le livre retrace l'histoire de l'enfance de Cervantès à Alcala, sa jeunesse à Valladolid, à Séville et en Italie, sa prise et son envoi à Alger, son achat par un renégat grec, Dali Mami, ensuite sa remise à Hassan le Vénitien, le maître des bagnes, considéré par certains comme «le véritable roi d'Alger».


«L'Espagne, étant considérée à juste titre, à cette époque, comme le royaume le plus puissant, fait qu'on exige pour le racheter 500 écus en or, l’équivalent de 200 000 euros actuels.» Evoquant ensuite son enfermement dans le bagne, l'écrivain relèvera que «Cervantès n'avait ni fers ni chaînes, ce qui lui permettait de sortir dans Alger». En effet, l'auteur de Don Quichotte appréciait beaucoup d'aspects inhérents à l'islam, ainsi que les progrès d'une société saine, où l’on vénérait, d'après Cavanillas de Blas, la sagesse des vieux, «où l’on n'entendait pas les blasphèmes et où la tolérance religieuse était grande», car les trois religions monothéistes vivaient en totale communion.

Yacine Idjer
Le Soir d'Algérie - 6 janvier 2005

Cervantes en Argel, toujours parmi les Algériens

C’est dans la pénombre d’une ambiance improvisée et éclairée par des bougies que la conférence Cervantes en Argel, toujours parmi les Algériens” a débuté, dimanche dernier, à l’Institut Cervantes d’Alger.

Celle-ci se déroule en présence de Waciny Laredj, Zineb Laouedj et Ahmed Berraghda. Initiée par l’Institut Cervantes d’Alger, l’ambassade d’Espagne à Alger en collaboration avec l’université d’Alger, cette rencontre figure au programme de cette année qui est consacrée et dédiée au chevalier de la littérature Miguel de Cervantes. Cette dernière est un retour certain vers la réappropriation de la littérature algérienne.

Le premier interlocuteur, en l’occurrence M. Waciny Laredj, professeur à l’université d’Alger, a basé son intervention sur l’absence du regard algérien et notamment la non-reconnaissance de la part algérienne. Il a tenu de par son allocution à situer l’auteur “Miguel de Cervantes ainsi que la perspective de la littérature par les Algériens.

Retraçant ainsi le regard d’un spécialiste sur la part algérienne vis-à-vis de l’illustre auteur de Don Quichotte et rappelant également l’origine de la naissance de cet ouvrage devenu universel et né de la séquestration de Cervantes durant cinq années à Alger, M. Laredj a relevé l’importance et la nécessité d’insérer la réflexion dans les critiques et la représentation littéraire et poétique algérienne. Zineb Laouedj, romancière et écrivain qui a entamé depuis deux ans un travail dans les langues française, arabe et espagnole sur le personnage de Cervantes a porté l’attention des présents sur l’aspect de la création dans la continuité d’un espace libre, en particulier dans la tolérance des langues.

Mme Laouedj a souligné l’effet extraordinaire de la pluralité des cultures. Elle a insisté durant toute son intervention sur l’urgence dans la récupération dans nos mémoires plurielles et notamment celles des générations à venir quant à l’identification des legs de l’histoire des littératures mixtes à l’image de L’âne d’or des contes d’Apulée récupéré par les Libyens et le chef-d’œuvre de Cervantes représenté dans Don Quichotte. Mme Laouedj a signalé le risque de voir finalement un jour s’évanouir dans les mémoires et disparaître entièrement dans le temps des trésors de littérature et ainsi l’anéantissement d’une culture qui ne trouvera probablement plus de désignation.

Ahmed Berraghda, professeur de littérature et vice-recteur de l’université d’Alger, a évoqué longuement la personnalité de Cervantes en tant qu’humaniste dans son rapport de l’Orient à l’Occident. M. Berraghda a insisté également sur l’universalité de l’œuvre de Miguel de Cervantes en tant qu’écrivain, soulignant qu’il est le point de jonction entre deux cultures, deux mondes bien distincts, une culture mauresque, arabe inclinée vers l’orientale, et une culture espagnole, européenne, versée dans l’Occident.

Sam H.
Info Soir - 4 janvier 2005

Jonction entre deux cultures

Miguel Cervantès constitue le point de jonction entre deux cultures : espagnole et arabe.



L’année 2005 est consacrée, à travers le monde, à la commémoration du 400e anniversaire de la première publication de Don Quichotte de Miguel Cervantès. A cette occasion, le Centre culturel espagnol d’Alger (Institut Cervantès) a organisé, dimanche, une rencontre intitulée «Cervantès à Alger», à laquelle plusieurs conférenciers ont pris part.

«Mon Cervantès à moi» est l’intitulé de la première communication, donnée par Waciny Laâredj, romancier et universitaire. Lors de son intervention, le conférencier a tenu à mettre l’accent sur l’appartenance algérienne de Miguel Cervantès. «Cervantès a une part algérienne. Cette part, je la revendique, vu que ce dernier a vécu (captif) presque six années à Alger», a-t-il déclaré, précisant par la suite que «l’Algérie est pour quelque chose dans la naissance du roman moderne, voire universel, sachant qu’à son retour en Espagne, Cervantès s’est aussitôt mis à écrire Don Quichotte, dans lequel on décèle des influences culturelles arabo-musulmanes. Cela revient à dire que le projet littéraire de Cervantès est né à Alger».

Waciny Laâredj déplore, cependant, l’absence de cette partie algérienne de Cervantès dans les réflexions formulées sur le roman de l’écrivain, cette autre personnalité de l’écrivain ignorée et omise par les critiques.

Poétesse, traductrice et professeur de littérature à Alger et à Paris, Zineb Laouedj, quant à elle, a développé sa thèse à travers le thème : «L’Algérie dans les yeux du captif de Cervantès», en reprenant la réflexion de son confrère, à savoir que le roman de Cervantès est particulièrement marqué par une dialectologie puisée dans la culture mauresque.

Selon l’intervenante, Miguel Cervantès a été imprégné par la culture arabo-musulmane, et ses influences se traduisent clairement dans son roman Don Quichotte. Elles sont davantage perceptibles dans un chapitre portant le titre de «Le Captif», où l’écrivain met en scène un personnage, un Espagnol, emprisonné à Alger, par les corsaires barbaresques. Ce récit, où se croisent dans un imaginaire extraordinaire réalité et fiction, fait analogiquement référence à l’expérience vécue par Cervantès, lorsqu’il était captif à Alger.

L’écrivain, en rédigeant cette partie de sa vie, même si le récit ne se veut pas autobiographique, use de formules phrastiques, de vocabulaire ainsi que d’expressions empruntées à la culture arabo-musulmane. Cela témoigne de l’imprégnation de ce dernier de tous les éléments culturels spécifiques au monde mauresque. Il y a une dialectologie mauresque qui s’exprime d’un bout à l’autre dans son roman, notamment dans le chapitre «Le Captif». Cela fait ressortir également les expériences vécues par Cervantès à Alger, dans une société (espagnole) longtemps occupée par les Arabes.

Enfin, pour finir, Ahmed Berraghda, professeur de littérature et civilisation hispaniques à l’université d’Alger, a parlé, au cours de son intervention, de la vision humaniste de Cervantès formulée en direction du rapport Orient/Occident, une dichotomie très présente dans son roman, considéré comme une œuvre monumentale.

L’intervenant a insisté sur l’universalité de Miguel Cervantès en tant qu’écrivain, soulignant qu’il est le point de rencontre entre deux cultures, la jonction entre deux mondes bien distincts, une culture mauresque, donc arabe, voire orientale, et une culture espagnole, donc européenne, voire occidentale. Et son roman Don Quichotte constitue ce point de ralliement.

Yacine Idjer

Musique de l’Andalousie

Le Jeune Indépendant - 6 novembre 2003

Le flamenco, un art qui se perpétue

Tradition vivante qui remonte à l’ère andalouse, le flamenco est un mélange de plusieurs cultures, plusieurs manières de vivre, mais aussi de rencontre de plusieurs peuples.C’est pour cette raison qu’il existe des centaines de genres de morceaux différents.


Chacun d’entre eux possède une atmosphère propre et beaucoup sont des variantes qu’on retrouve en Espagne et au pourtour de la Méditerranée, car il est né en Andalousie. Bien que largement ouverts à la composition personnelle, les genres du flamenco sont régis par des règles aussi strictes que celle de la composition classique, notamment la musique andalouse.

Cet art du peuple est modelé par la joie et la souffrance.Cependant, le flamenco est constamment influencé et modifié par le contexte social dans lequel il prend ses racines.Les origines du flamenco restent tout de même floues et brumeuses, malgré l’appellation d’origine arabe «felag mengu» (paysan fugitif en langue arabe) qui s’appliquerait aux gitans après leur proscription à la suite de l’expulsion des Maures hors d’Espagne.

D’autres théories se basent sur le sens littéral du mot flamenco (flamand) et émettent une relation avec les serviteurs venus des Flandres faisant partie de la suite du couronnement de Charles Quint au XVe siècle.Cet homme victime de ressentiment, on suggère que flamenco devint un terme général d’insulte appliqué ensuite aux gitans.

Des influences culturelles très variées, présentes en Espagne, ont laissé leur empreinte sur le flamenco.En 711, les Maures conquirent «l’Al Andalus» et maintinrent leur domination jusqu’à leur expulsion finale de Grenade par le roi Ferdinand et la reine Isabelle en 1492.

Ainsi, durant des siècles, les musulmans ne détruisirent pas : ils assimilèrent.Les nations conquises eurent le droit de conserver leurs religions personnelles. Pendant la période de domination islamique en Espagne (711-1492), les gitans originaires d’Inde atteignirent l’Espagne et y restèrent.

Après le départ des musulmans, la tolérance culturelle pratiquée par les Maures n’a pas survécu à leur départ.Ainsi, en 1499, les premières lois contres les gitans apparurent : le nomadisme fut déclaré hors la loi. Les gitans abandonnèrent les villes et se réfugièrent dans les collines et les grottes.

Leur isolement par rapport à la société les confina dans un développement artistique séparé.Le flamenco fut finalement créé par la fusion du Cante Gitano avec la musique traditionnelle andalouse.C’est vers la fin du XVIIIe siècle que l’attitude officielle à l’égard des gitans commença à s’assouplir.

Mais les gitans restaient encore très discrets sur leur musique, qui se pratiquait en privé, en cercle fermé, sans que les étrangers puissent l’entendre.C’est seulement dans la deuxième moitié du XIXe siècle que le flamenco se démocratisa et devint un art présenté au public.

C’est l’avènement des cafés cantantes (bars-concerts de l’époque) qui, à partir de 1842, enclencha ce phénomène d’expansion du flamenco.C’est aussi grâce à ces cafés cantantes que l’on vit apparaître des artistes avec des répertoires beaucoup plus diversifiés.

En effet, ces cafés cantantes servirent aussi à rapprocher les traditions andalouses. Dans les années 1950, on vit réapparaître un intérêt pour le véritable flamenco. A travers plusieurs pays et en Algérie, l’intérêt pour le flamenco grandira.

Certains signes montrent que le flamenco pourrait devenir un art international, sans toutefois perdre ses racines andalouses.

Belkacem Rouache

Histoire

La Nouvelle République - 18 novembre 2004

Bibliothèque nationale du Hamma
Miguel Cervantès revisité

A l’occasion du 400e anniversaire de la mort de Miguel Cervantès, la Bibliothèque nationale d’El Hamma a célébré cet événement en lui rendant un hommage sous la forme d’une soirée poétique.


Cette soirée s’est déroulée à l’endroit même où l’auteur de Don Quichotte a séjourné lors de ses nombreuses tentatives d’évasion après sa capture par la flotte algérienne en 1575. Ainsi, la grotte de Cervantès a été ouverte à cette occasion aux invités. Le directeur de la Bibliothèque nationale, Amine Zaoui, a affirmé qu’il est indispensable de rendre à la terre algérienne toutes ses symboliques. «Cervantès n’appartient pas seulement aux Espagnols», dit-il. Pour sa part, le directeur du Centre culturel espagnol à Alger, Eduardo Calvos Garcia, a estimé que l’Espagne est le seul pays d’Europe dont la culture chrétienne est la plus mélangée à celles arabe et musulmane.

Miguel de Cervantès Saavedra est né en 1547, à Alocala de Henares. Second des fils et quatrième enfant, il a eu une enfance pauvre mais très libre, son père, un modeste chirurgien, passant son temps à déménager constamment avec toute la famille. Cervantès, après avoir été soldat, a été à Rome camériste chez le cardinal Acquaviva, l’ancien légat du pape en Espagne. Sa vie aventureuse commence en 1570, année où il s’engage dans une expédition contre les Turcs qui échoue devant Nicosie à Chypre. Mais en 1571, il est un des héroïques combattants de la bataille navale de Lépante.

Il est grièvement blessé à la poitrine et définitivement estropié de la main gauche par trois coups d’arquebuse. Convalescent à Messine, Cervantès lit énormément et écrit. Il assiste en 1572 à la bataille de Navarin, reste un temps en garnisson et praticipe, en 1573, à la prise de Tunis reprise par les Turcs l’année suivante. Il est resté captif pendant cinq années en Algérie. Il a été libéré après plusieurs tentatives d’évasion en 1650.

De retour en Espagne, sa passion pour le théâtre est restée intacte. Son roman Galatée, paru en 1585 et vingt de ses pièces sont loin d’être suffisants pour subvenir aux besoins de sa famille. Il va être obligé de prendre pendant dix ans des emplois dans l’administration qui lui permettront de voir l’Espagne. L’Invisible tronade, dont l’expédition contre l’Angleterre en 1588 est un désastre qui inspire à Cervantès de célèbres vers. En 1598, la mort de Philippe II lui inspire un célèbre sonnet. En 1604, Cervantès reçoit un privilège pour l’impression de Don Quichotte.

Le livre est en vente en 1605 et réédité six fois de suite la même année. Cervantès revenu à Madrid, depuis 1606 où il a suivi la cour et son protecteur, le comte de Lemos, peut se consacrer à son travail d’écrivain. C’est à cette époque qu’il devient membre de la confrérie des serviteurs indignes du très saint Sacrement. En 1613, il publie des nouvelles exemplaires. En 1614, une suite apocryphe et anonyme de Don Quichotte d’un certain Fernandez de Avellanedda paraît à Tarragone au grand dam de Cervantès qui était en train de terminer la sienne. La seconde partie paraît en 1616 et a juste le temps, avant de mourir le 23 avril 1616, de répondre dignement au faussaire inconnu à son dernier roman. Les Travaux de Persilés et de Sigismond paraîtra à titre posthume en 1617.

Au cours de cette soirée poétique, le directeur du Centre culturel espagnol a annoncé que le centre organisera au mois d’avril prochain une manifestation culturelle avec la participation de troupes de musique espagnole et algérienne pendant deux semaine à Oran.

Les menus et vestiges attestant de la présence espagnole seront également au sommaire du programme de la quinzaine culturelle espagnole à Oran.

Il est à noter, par ailleurs, que le directeur de la Bibliothèque nationale a indiqué que les textes sur Les Bains d’Alger (les Banôs de Argel) écrit par Cervantès sont en voie de traduction par la Bibliothèque nationale. Ils seront édités l’année prochaine.

Maliya C.
Liberté - 11 novembre 2004

Bibliothèque nationale d’Algérie
Dans la grotte de Cervantès

Mardi soir, la Bibliothèque nationale du Hamma s’est déplacée à la grotte où Miguel de Cervantes s’était autrefois réfugié !

L’endroit fait face au Jardin d’essai, un carré de broussailles sans âge adjacent à l’édifice, récent et austère, qui abrite la Bibliothèque nationale d’Algérie. Et, plus loin, à la mer écumante par laquelle est arrivé, enchaîné, le père de Don Quichotte en l’an de grâce 1575. Le poète espagnol fut capturé en haute mer, alors qu’il faisait cap vers son pays, et emprisonné par des pirates algériens. Il fut remis en liberté après cinq ans de bagne, et quatre tentatives d’évasion ratées, grâce à une rançon (cinq cents écus d’or) réunie par sa famille.

L’un des épisodes où le poète tenta de s’enfuir le vit occuper pendant plusieurs mois cette grotte, qu’un complice creusa pour lui, avant d’être dénoncé et remis en captivité. C’est dans ce passé désenchanté du poète que s’est faite l’irruption institutionnelle, après tant d’années d’oubli délibéré. Sur la petite cour qui entoure la cavité, la Bibliothèque nationale — qui compte traduire et éditer un recueil de poésie et une pièce de théâtre du poète — a organisé une soirée poétique. Une soirée manquant de saveur et de couleur, qui a donné à écouter des verves déclamatoires tous azimuts, allant du pastiche de Mahmoud Darwich à la prose patriotique à la gloire de l’Algérie.

Au programme également, figurait une représentation théâtrale donnée par de jeunes étudiants de l’Inad. Pour rappel, le premier hommage rendu à Miguel de Cervantes à cet endroit remonte à 1887, date à laquelle fut placée une plaque commémorative, le dernier en 1926 où fut aménagé un square et érigé une pyramide sur laquelle étaient reproduites des armes d’Espagne.

Avant l’intervention de l’APC de Belouizded, ces dernières années ont vu ce lieu se transformer en repère où venaient se réfugier des regards des garnements adeptes de l’excès, comme il y en a tant dans ses quartiers bigarrés de la capitale.

Djamel Belayachi

Cervantès à Oran

Captif à Alger, on le sait, libéré et à peine rentré dans sa patrie à l'automne 1580, Cervantès (1545-1616) devait se défendre contre les attaques du moine Juan Blanco de Paz qui le détestait cordialement. Une enquête s'ensuivit qui tourna à la confusion de l'accusateur.



Les onze gentilshommes qui avaient partagé sa captivité témoignent en sa faveur, qualifiant sa conduite de "noble", "chrétienne", "vertueuse". Cela fait, le mutilé de Lapante se retrouvait libre, lavé de toute suspicion mais pauvre jusqu'à à la misère.


Terminé les rêves dont le malheureux avait jusque-là soutenu son existence. Toutes les démarches pour trouver un emploi digne de lui étaient vaines. A la fin, il se décide à se présenter au roi lui-même, qui se trouvait au Portugal récemment conquis. Philippe II le reçut à Tamar. Après une fiévreuse attente, Cervantès obtint enfin une mission secrète à Oran, mission de haute confiance qui lui laissait espérer quelque poste important à son retour. C'est en mai 1509 qu'Oran tombe aux mains des Espagnols qui d'ailleurs tenaient Mers El Kebir depuis quatre ans. La zone que les Espagnols occupèrent autour de cette région comprenait un territoire qui ne dépassait pas le Cap Falcon à l'ouest et la pointe de la grande Sebkha de Misserghin au Sud.

A la fin de 1581, Cervantès s'embarqua à Carthagène sur le brigantin qui assurait le service régulier avec le port d'Oran. Emmanuel Roblès a décrit ce que Cervantès dut voir du pont de son navire en approchant nos côtes (cf. Algéria n°49), "les montagnes du Murdjadjo avec le fort de Santa Cruz, la ville blanche (on l'appelait à l'époque la Blanca), enserrée dans ses massives fortifications, le fort de la guenon, le fort Saint Thérèse, le Rozalcazar avec son épais donjon datant d'une commanderie des chevaliers de Malte". Mais Cervantès vit aussi les murailles de Mers El Kebir et, de l'autre côté de la baie la montagne des Lions.


Coupée de Tlemcen dont elle était le débouché naturel, Oran, à cette époque, n'était qu'un "préside" où Philippe II faisait envoyer les galériens et les condamnés au bagne de Malaga. Comme pour Melilla Ceuta et Penon de Velez, la possession des bases Oran-Mers El Kebir était indispensable à l'Espagne si elle voulait protéger ses propres côtes des incursions africaines.

Cervantès vécut durant un mois dans une cité sévère (plus de quais populeux fréquentés par toute les races de la Méditerranée, plus de magasins florissants bourrés d'étoffes de laine, de peaux, d'ivoires, de céréales, d'armes et de verrerie) où l'état d'alerte ne se relâchait pas. Elle était d'ailleurs fréquemment bloquée et les sièges et les assauts étaient nombreux. Celui de 1563 dont Cervantès s'est inspiré pour L'Espagnol courageux, ayant été de loin le plus féroce et le plus meurtrier.

Il faut imaginer Cervantès débarquant à la marine sous le fort de la Mona (de la guenon) qui formait un faubourg séparé de la ville proprement dite par une enceinte percée d'une porte dite Porte de Lanastel. Le voici donc sur cette terre d'Afrique non plus en captif mais en envoyé d'un des plus puissants monarques de la terre. Il a 34 ans, il est toujours aussi épris d'héroïsme et cette ville sombre, en dépit du ciel léger, lui offre son atmosphère de danger perpétuel et d'austérité castillane. Partout les maisons basses étaient étouffées entre les casernes, les casemates, les prisons, les couvents et les magasins militaires.

Tous les passants portaient des vêtements pauvres et rapiécés. Peu d'autochtones. L'intérieur de la ville leur était interdit dès la tombée de la nuit, à l'exception des auxiliaires et des serviteurs, toujours suspects cependant. Pour atteindre le palais de la Casbah, siège du gouverneur général, Cervantès dut traverser la place d'armes. Par des défilés militaires ou religieux, les Espagnols venaient s'y regrouper au son des fifres et des tambours. Cervantès pénétra ensuite dans la Casbah où il fut reçu par don Martin de Cortoba, frère cadet de don Alonso, que notre romancier met aussi en scène dans L'Espagnol courageux et fils du célèbre comte d'Alcaudete qui fut gouverneur général d'Oran de 1543 à 1558.


Cervantès dut être logé dans le palais de la Casbah et que surmontait la tour de la campagne (de la cloche) d'où l'on donnait l'alarme. Un signal optique le maintenait aussi en liaison avec Santa Cruz.

Neuf ans plus tard (mai 1590) presque jour pour jour après sa mission à Oran, il se voyait encore refuser un emploi aux Indes qu'il avait sollicité et qu'il méritait largement. Ses séjours en Afrique lui inspirèrent ensuite des pièces comme La vie à Alger, Le Bagne d'Alger, La Grande sultane, sans compter la nouvelle du capitaine dans Don Quichotte, certains passages de L'Espagnole anglaise. Dès quelques semaines passées à Oran, il reste dans son œuvre cette comédie de L'Espagnol courageux, la moins heureuse de ses œuvres africaines mais qui a une valeur anecdotique.

Cette comédie figure dans un recueil paru en 1615 un mois seulement avant sa mort et intitulé Huit comédies et un intermède nouveaux jamais présentés. Elle a dû être écrite en 1595. A l'acte premier nous voyons la princesse Maure Arlaxa ordonner à son cher Alimuzel, chevalier de la tribu des Maliones (c'est-à-dire d'une tribu proche de Tlemcen et célèbre par sa bravoure et l'esprit chevaleresque de ses guerriers) d'aller lui capturer le valeureux don Fernando Saavedra, dont la renommée est parvenue à ses oreilles.

C'est là un caprice de jolie femme et dont un homme épris comme l'est Alimuzel ne peut que prendre ombrage. Mais pour aimer Ali en retour, la belle Alarxa exige auparavant cette preuve de vaillance et de soumission à ses désirs. Le thème essentiel de l'amour courtois est la soumission sans espoir aux volontés et même aux caprices de l'aimée. La femme devient ainsi une divinité qui ne doit rien à ceux qui l'adorent et dont les moindres faveurs seront toujours pour l'homme une grâce insuffisamment méritée. Ali obéit donc. Il se rend sous les murailles d'Oran à l'heure où les Espagnols se préparent à subir le siège de Hassan Pacha.

Il lance son défi à don Fernando. Mais le général d'Oran refuse que don Alfonso sorte pour ce duel en un moment où la ville a besoin de tous ses défenseurs : "Je n'aventurerai pas un homme de votre trempe pour cet enfantillage qui est un caprice de femme". Mais don Fernando est bien décidé à enfreindre cet ordre. Il y va de son honneur. C'est précisément l'absence de tout motif raisonnable qui caractérise la joute chevaleresque à l'état pur, les adversaires n'ayant d'autres motifs de s'affronter que le désir de faire briller leur valeur et d'affirmer en même temps leur "soumission" à la dame qui inspire leur courage".


Don Fernando envoie donc son ami Guzman prévenir Ali de l'attendre car la défense qui lui est faite risque de le mettre en retard au rendez-vous. Or, un autre Maure nommé Nacor se trouve près d'Ali.

Ce traître qui aime aussi Arlaxa incite Ali à retourner au douar. "Ce rendez-vous différé n'est qu'un piège, dit-il. Les Espagnols vont venir te capturer". Ali cède à ces propos et rentre chez Arlaxa. Celle-ci est très déçue. Nacor, aussitôt, charge son compagnon et s'efforce de le faire passer pour un lâche qui a fui au lieu d'attendre. Mais on amène un prisonnier. C'est don Fernando lui-même. Il a été pris par des cavaliers maures tandis qu'il se dirigeait vers le lieu de la rencontre, après avoir sauté du haut de la muraille. Il ne révèle pas sa véritable identité et se fait passer pour un certain Juan Lozano, qui a déserté volontairement pour en avoir assez d'être "un soldat brave et mal payé". N'est-ce pas une allusion personnelle de Cervantès à qui le roi avait fait des promesses pour son retour d'Oran, promesses qui ne furent jamais tenues.


Dans cette comédie, Cervantès nous propose des Maures authentiques qu'il n'hésite cependant pas à accommoder au goût de son époque comme sut le faire Lope de Vega. Bien entendu, les rapports d'Arlaxa et d'Alizumel relèvent des lieux communs de cette littérature que Cervantès lui-même va discréditer en lui portant avec son Don Quichotte un coup mortel.

Pour nous, aujourd'hui encore, toutes ces allusions à des points précis de l'histoire ou du décor de notre capitale de l'Ouest, tous ces noms familiers comme Mers El-Kebir, la Marine, Canastel, Mostaganem etc. donnent à la comédie une agréable résonance, résonance qu'elle ne peut avoir pour tel autre lecteur.

Celui-ci trouvera le développement de cette pièce tout entière assez banale mais l'authentique intérêt de L'Espagnol courageux est ailleurs. Il est vrai que le personnage de ce don Fernando, qui déclare lui-même : "Je ne vis que d'extravagance". Ce personnage, un peu ridicule dans sa folle vaillance, on s'accorde, en effet, à le considérer comme une lointaine ébauche d'un autre chevalier tout aussi brave et généreux, mais beaucoup plus chimérique et qui depuis des siècles ne cesse d'émouvoir et d'intriguer la conscience des hommes.

Djamel Amrani
Le Matin - 21 juin 2004

L'histoire de l'Algérie en Catalan

La parution, en Catalogne (Espagne) du livre Algèria viurà ! França i la guerra per la independència algériana, 1954-1962 » (L'Algérie vivra ! La France et la guerre pour l'indépendance algérienne, 1954-1962) constitue la première approche ­ en langue catalane - à l'histoire contemporaine de l'Algérie et à sa lutte pour la libération. Parue aux Publications de l'Université de Valence (PUV), l'oeuvre est écrite par Ramon Usall i Santa.

L'auteur, 27 ans, natif de Barcelone, licencié en sociologie à l'Université autonome de Barcelone (UAB), est actuellement doctorant en histoire contemporaine à l'Université de Lleida. Ramon Usall se consacre à un travail de recherche en sociologie et histoire politique du sport et en histoire contemporaine de l'Algérie, sujet sur lequel il a publié différents articles dans des journaux et magazines catalans.

Avec un titre L'Algérie vivra !, inspiré de l'hymne national algérien, Qassaman, Ramon Usall écrit la première chronique de la guerre de libération algérienne en langue catalane et, selon le texte de présentation du livre, a l'intention de « faire connaître l'histoire de l'un des pays qui est géographiquement plus proches de la Catalogne, mais qui est souvent un grand méconnu ». L'auteur expose, à travers cet ouvrage, « la lutte héroïque du peuple algérien pour sa libération nationale et analyse les principaux évènements du conflit franco-algérien et l'influence que ces derniers ont eu dans l'évolution et la fin de la guerre ».

Ramon Usall a la volonté de « faire comprendre l'évolution et la situation actuelle de l'Algérie, le principal pays du Maghreb, en faisant un voyage aux racines de la création de l'Etat Algérien ».

R. C.
Algèria viurà ! França i la guerra per la independència algériana, 1954-1962 de Ramon Usall i Santa - Publications de l'Université de Valencia, 2004. 441 pages.

Institut Cervantès



Le Jeune Indépendant - 5 octobre 2004

Conférence sur la lecture de la poésie de Miguel Cervantès
Don Quichotte un versificateur méconnu

A l’occasion des festivités célébrant le 500e anniversaire de Don Quichotte, l’Institut Cervantès a présenté, dimanche dernier, une conférence intitulée «Une lecture de la poésie de Cervantès», «animée par Louis Alberto de Cuenca, critique et poète espagnol.

Lors de son intervention, le conférencier a abordé la poésie de Cervantès, le point de vue des critiques ainsi qu’une lecture d’extrait de poèmes de l’auteur de Don Quichotte. Tout d’abord, Louis Alberto de Cuenca avait souligné le manque de confiance qu’a éprouvé Cervantès pour ses qualités de poète, citant l’auteur espagnol qui disait qu’il était plus porté sur les malheurs que sur les vers.

Paradoxalement, Cervantès était un véritable passionné de poésie. L’orateur a souligné «le cas unique de Cervantès». Car «il n’y a pas eu d’autres écrivains ayant laissé apparaître d’une façon aussi spéciale et continue sa relation presque obsessionnelle avec le genre poétique.

Mais aussi une amertume doublée de dignité de ne pas avoir atteint l’excellence dans sa pratique. Dès lors, c’est dans la poésie que l’auteur espagnol a puisé son goût pour l’art de l’écriture et la maturité de sa vision du monde».

De ce fait, l’encensement de la poésie se retrouve dans la majorité de l’œuvre de Cervantès. Ce dernier n’a jamais cessé de pratiquer «cet art doux et agréable» que l’on retrouve dans l’une de ses premières œuvres Viaje del Parnaso.

Il écrit en 1616, dans l’une de ses dernières œuvres littéraires Adjunta al Parnaso : «Moi, par la grâce d’Apollon, je suis poète, ou du moins désire l’être.» Louis Alberto de Cuenca a ensuite abordé le point de vue de la critique espagnole sur la poésie de l’auteur de Viaje del Parnaso.

Dans cette optique, il a soulevé la critique acerbe dont a été victime le versificateur de la part de ses pairs tels Villega, Suerez de Figuarna, Cracian y Espinel... Mais le plus dur de ses contemporains a été sans aucun doute Lope de Vega qui avait écrit qu’il n’y avait pas à cette époque «de poètes plus mauvais que Cervantès».

Ces critiques étaient essentiellement dues à ses défaux de diction «âpre, dure et rauque». Cervantès disait de lui-même qu’il était comme un cygne par ses cheveux et un corbeau noir par sa voix enrouée. La critique moderne aborde, quant à elle, une approche divergente.

Gerardo Diego écrivait en 1948 que Cervantès était «un poète archaïque et démodé», tandis que la même année Ricardo Rojas écrivait que la précocité et la constance de la poésie de Cervantès sont deux éléments qui suffisent pour définir tout ce qu’il y a de spontané et d’authentique dans une vocation.

Pour la critique d’aujourd’hui, le conférencier s’est basé sur un article de Louis Cernuda, un des poètes qui a le plus influencé la nouvelle génération. Cernuda souligne dans cet article, d’une part, que Cervantès reste un poète méconnu et, d’autre part, que le génie poétique de Cervantès «ne se limite pas seulement à ses écrits en vers, mais que ses œuvres en prose pétillent et nous imprègnent de cette conviction irrésistible que Cervantès est poète».

Enfin, l’orateur a lu des extraits de la poésie cervantine dont celui de Coloquiode Don Quijote. «La poésie est faite d’une alchimie de telle vertu que seuls ceux qui connaissent sa valeur la traiteront à sa juste mesure, la convertiront en or pur d’un prix inestimable.» Louis Alberto de Cuenca a conclu sa conférence avec cet extrait de Persiles (III, 2) : «L’excellence de la poésie est aussi limpide que l’eau claire, et qui profite à tout ce qui ne l’est pas ; elle est comme le soleil qui irradie toutes les choses immondes sans que rien ne l’affecte».

Ainsi, la clarté, la pureté et l’habileté sont autant de propriétés qui distinguent la poésie de Cervantès.

Sihem Bounabi
Liberté - 5 octobre 2004

Alberto de Cuenca au secours de cervantes
Le génie d’un “mauvais poète”

Luis Alberto de Cuenca, poète et critique littéraire, défend la poésie de Cervantes, à l’Institut qui porte son nom à Alger.


Miguel de Cervantes (1547-1616), l’inventeur du roman moderne, l’auteur du premier best-seller de l’histoire de la littérature, Don Quichotte de la Manche, était aussi poète. Un poète des plus malmenés de son époque, et même au-delà, selon la lecture que propose Luis Alberto de Cuenca, poète et critique littéraire, ancien directeur de la Bibliothèque nationale d’Espagne, invité, dimanche dernier, à l’Institut Cervantes d’Alger.

Le poète espagnol Lope de Vega, son contemporain, proclama à propos de Cervantes qu’il n’y avait pas de poète aussi “bête pour louer Don Quijote”, bien qu’il dû revenir sur son jugement plus tard. Villegas jugea que c’était un “mauvais poète”. Suarez de Figueroa et Cracian y Espinel, deux autres poètes contemporains de Cervantes, firent des critiques aussi acerbes à son égard. “Toutes ces critiques modernes qui s’abattirent sur lui n’ont pas pu percevoir et n’ont pas été capables de voir non plus que cette rudesse formelle cachait surtout une liberté immense, une force expressive originale et une grande richesse de pensée et d’invention”, commente Luis Alberto de Cuenca.

Rudesse formelle ? Cervantes avait, en effet, une “diction âpre” qui alimentait l’essentiel des pamphlets de ses détracteurs. À ce sujet, Luis Alberto de Cuenca réplique : “La poésie espagnole durant la vie de Cervantes évolua radicalement. Celui-ci s’intéressa beaucoup plus à la forme poétique et à ses possibilités d’exprimer des idées et des vérités, qu’à la forme et à la façon de les exprimer.” Quelques siècles après la disparition de l’auteur de Don Quichotte, le recul ne renversa pas totalement la vapeur. Des critiques et poètes espagnols du XXe siècle emboîtèrent ainsi le pas à leurs aïeuls. Gerardo Diego déclara en 1948, dans son livre Cervantes y la poesia, que celui-ci était un “poète archaïque et démodé”.

Quelques années avant lui, en 1937, Guillermo Diaz Plaja fit un commentaire prudent : “Il faudrait faire une étude moderne et complète de cette facette de Cervantes.” Luis Cernuda, “l’un des poètes qui ont le plus influencé les générations espagnoles”, rejoignit ce dernier en 1961 dans sa réflexion, en déclarant que “Cervantes comme poète est méconnu”. Voilà peut-être la clé de l’énigme : Cervantes comme poète est méconnu.

Son éblouissante fresque autour d’un chevalier qui se battait contre des moulins à vent (Don Quichotte, 1605-1615) aurait éclipsé les autres versants de son œuvre : théâtre et poésie. Dans une tentative “désespérée” de réhabilitation, Luis Alberto de Cuenca déclare : “Propreté, clarté, lumière, habilité, harmonie, douceur, honnêteté, profit. Telles sont les propriétés éternelles de la poésie, présentes "aussi" – et il n’en pouvait être autrement – dans la poésie de Cervantes.”

Djamel Belayachi
Info Soir - 4 octobre 2004

Vers la convergence des cultures

Chercher et arriver au métissage culturel est l’un des objectifs de l’Institut.



A l’instar du Centre culturel français d’Alger, l’Institut culturel espagnol Cervantès se veut, lui aussi, un acteur présent et agissant sur la scène culturel algérienne. Il se veut un partenaire de premier choix pour le public algérien, lui proposant un programme d’activités artistiques largement diversifié. Sa contribution vient d’abord de cette volonté d’aller vers le public ; ensuite, elle se traduit par cette initiative de véhiculer et de promouvoir la culture espagnole, une culture qui, selon Edouardo Calvo Garcia, directeur de l’Institut Cervantès, est en convergence avec la culture algérienne.

«Notre intention n’est pas de concurrencer le Centre culturel français, de le destituer ou le déplacer, sachant qu’il est désormais incorporé aux mœurs algériennes, mais seulement, nous cherchons à apporter notre contribution à l’animation culturelle. Nous cherchons la convergence entre les deux cultures, espagnole et algérienne, puisque les deux pays ont quelque chose en commun, nous cherchons le métissage culturel.»

Effectivement, l’Institut Cervantès, et cela depuis une année, date à laquelle Edouardo Calvo Garcia a été installé à la direction du centre culturel, s’est ouvert à la scène artistique algérienne et se veut davantage à l’écoute du public, s’enquérant de ses besoins et de ses aspirations artistiques. D’où ce travail de renforcement du partenariat avec les institutions culturelles algériennes. Cette collaboration débouchera sur un projet de coédition, avec l’université d’Alger, de l’œuvre de Pablo Neruda, traduite en arabe et en français.

L’institut Cervantès ne travaille pas uniquement à la promotion de la culture espagnole, mais également à «présenter et faire connaître les pays qui ont la langue espagnole commun», explique M. Garcia, ajoutant que «l’institut se veut un pont, un lien entre l’Algérie et l’Espagne et entre la culture algérienne et la culture hispanique».

Il est à noter que des manifestations sont programmées pour la nouvelle saison, à savoir, des conférences, des spectacles et des représentations artistiques. Outre ces activités, un colloque sera organisé en 2005 pour célébrer les cinq cents ans de la publication de Don Quichotte, l’œuvre de Cervantès. Il est à rappeler que Cervantès fut captif à Alger au temps des barbaresques et aujourd’hui, Alger s’avère un lieu propice pour commémorer son esprit romanesque.

Un autre projet est en cours de réalisation, à savoir la création d’un Institut culturel européen. «Notre ambition est de faire d’Alger une scène de la culture européenne», confie Edouardo Calvo Garcia. Et d’ajouter : «L’institut Cervantès, le Goethe institut et le Centre culturel italien conjuguent leurs efforts pour mettre en place un centre commun afin de permettre au public algérien d’avoir plus de connaissance. Ce projet s’inscrit dans cette démarche d’ouverture et d’échange entre la culture algérienne et la culture européenne.»

«Si nous œuvrons dans ce sens, c’est parce que nous savons que l’Algérie est un pays ouvert, c’est une société plurielle, diversifiée et démocratique ; les mentalités s’ouvrent, s’émancipent davantage ; je ne veux pas faire de la comparaison, mais je crois que l’Algérie est le plus ouvert des pays du Maghreb, elle est plus avancée dans le processus de participation à l’échange avec l’Europe, et les conditions et les possibilités culturelles sont favorables au rapprochement.»

Yacine Idjer
El Watan - 26 février 2004

Alger. Institut espagnol Cervantés
Relance des activités culturelles

Nommé il y a six mois à la tête de l’institut Cervantès alors que ce poste est resté vacant depuis dix ans, Eduardo Calvo Garcia entend bien relancer le côté culturel.



D’emblée, il a tenu à préciser que l’objectif essentiel est de rechercher la convergence entre la culture hispanique et la culture algérienne. «Il y a un chemin qu’il faut explorer ensemble, car n’oublions pas que nous avons partagé les mêmes civilisations, dit-il. Si, par le passé, l’institut Cervantès assurait uniquement l’enseignement de la langue espagnole et organiser de rares rencontres culturelles, aujourd’hui une nouvelle politique culturelle semble se profiler. En effet, cette année marquera un redéploiement des activités de l’institut.

Ainsi trois cycles de conférences seront organisées en collaboration avec l’université d’Alger et les ambassades d’Argentine, du Mexique et du Chili, autour de figures de proue de la littérature hispano-américaine : l’Argentin Jorge Luis Borgès, le Mexicain Juan Rulfo et le Chilien Pablo Neruda. Le septième art sera à l’honneur avec en prime un hommage au maître Luis Bunuel, dans sa période mexicaine. Le cycle en question qui est organisé en collaboration avec la Cinémathèque algérienne et l'ambassade du Mexique à Alger débutera le 29 février. Au mois d’avril, le cinéma argentin prendra le relais.

Un autre hommage sera rendu au réalisateur Imanol Uribe qui sera présent à Alger en novembre prochain. Dans le domaine des arts plastiques, l’institut Cervantès propose d’aller à la découverte de trois photographes espagnols. Une exposition itinérante qui, après Damas et Alep, passera d’abord par Oran avant de s’installer à Alger à la mi-avril. En octobre, le peintre José Hernandez sera présent à Alger pour montrer sa collection de tableaux. Les amateurs d’art pourront également aller à la découverte d’une exposition collective intitulée «Pieza a pieza» laquelle retracera l’avant-garde figurative dans l’Espagne des années 1980.

Toujours au cours du même mois, deux spectacles seront donnés. L’un intitulé Besame El Cactus (embrasse-moi cactus) de la troupe de danse contemporaine de Sol Pico et l'autre de danse flamenco de Teresa Nieto avec le spectacle Todos los gatos son parados (tous les chats sont marrons). Dans le cadre du Festival culturel européen à Alger, l’institut Cervantès organisera un concert de musique andalouse en compagnie de Javier Ruibal. En 2005 cet institut compte préparer un ambitieux programme afin que Cervantès ne soit pas seulement l’auteur de Don Quichotte de la Manche, «pas uniquement un captif au XVIe siècle mais synonyme du premier label de la langue et des cultures en espagnol en Algérie». Il est prévu la venue à Alger de deux soprani de renommée internationale : Ainoha Arteta pour le 2 mars et Maria Bayo durant le mois culturel.

Nassima C.
L'Expression - 26 février 2004

Institut Cervantés
Regain d’activité et rapprochement

Le centre culturel vise à renforcer ses liens avec l’Algérie et multiplier ses manifestations...



Cela fait six mois que l’Institut Cervantès s’est doté d’un nouveau directeur, M.Eduardo Calvo Carcia. Celui-ci est bien déterminé à insuffler à son centre culturel un nouveau dynamisme grâce à la collaboration et la coopération des différentes institutions algériennes. Cependant, cela fait 12 ans que cet institut existe.

Sa principale préoccupation reste l’enseignement de la langue espagnole qui sera renforcé cette année par l’introduction de nouveaux supports didactiques tant sur le plan livresque que technologique. Mais les objectifs du centre sont multiples. Afin de faire connaître son programme culturel, M.Eduardo Calvo a animé lundi une conférence de presse au siège de son établissement. Il soulignera de ce fait la richesse «identitaire» de l’Espagne qui ne se limite pas à l’Andalousie.

«C’est dangereux de réduire l’Espagne à cette seule région», dira-t-il. Cette année 2004 marque un redéploiement de l’Institut Cervantès d’Alger (Cervantès est aussi implanté à Oran, Mostaganem et Tlemcen), via une multitude d’activités et de manifestations culturelles et une collaboration étroite avec l’université algérienne autour d’activités universitaires ou de recherche. Trois cycles de conférence seront organisés en collaboration avec l’université d’Alger et les ambassades d’Argentine, du Mexique et du Chili à Alger, autour de figures illustres de la littérature hispano-américaine.

L’Argentin Jorge Luis Borges, le Mexicain Juan Rulfo et le Chilien Pablo Neruda. Côté cinéma, un hommage au maître espagnol, Luis Bunuel sera rendu, dans sa période mexicaine. Le cycle s’ouvrira le 29 février à la cinémathèque algérienne. Le mois d’avril fera place au nouveau cinéma argentin et en novembre 2004 à un cycle dédié au réalisateur espagnol Imanol Uribe.

Dans le domaine des arts plastiques, l’Institut Cervantès propose le regard de trois photographes espagnols. Une exposition itinérante qui, après Damas et Alep, passera d’abord par Oran avant de s’installer à Alger dans la seconde moitié du mois d’avril. En octobre, ce sera au tour du peintre José Hernandez de venir tendre ses toiles à Alger et Oran.

Enfin, «Pieza a Pieza», une exposition collective qui illustre bien l’avant-garde figurative dans l’Espagne des années 1980. Octobre sera baptisé «Baile en espagnol» (danse en espagnol) avec un spectacle intitulé Besame El Cactus (Embrasse-moi cactus) avec la troupe de danse contemporaine de Sol Pico, et de la danse flamenco de Teresa Nieto avec le spectacle «Todos Los gatos son pardos» (Tous les chats sont marrons). L’archéologie sera présente à travers une conférence en novembre donné par le spécialiste Robert Sala, accompagné d’un archéologue algérien sur les gisements de Atapuerca.

Fidèle au poste, l’Institut Cervantès prendra de nouveau part cette année au festival culturel du mois européen, notamment avec un concert de musique andalouse en compagnie de Javier Rimbal. Ne s’arrêtant par là, l’Institut Cervantès prépare déjà activement son programme de l’année prochaine et vous promet pour le 2 mars 2005, la présence exceptionnelle de deux soprano de renommée internationale : Airoha Arteta et Maria Bayo durant le mois culturel.

«L’image de l’Algérie qu’ont ces étrangers est complètement distortionnée. C’est pour cela qu’on est là. Le but de l’institut, c’est aussi de changer cette image de l’Algérie. Ce pays est très proche de l’Espagne. Nous voulons conforter ce rapport par des activités culturelles. Nous sommes tous des Méditerranéens», a expliqué M.Eduardo Calvo Carcia.

O. HIND

El Watan - 15 février 2004

DES RACINES DE CUADERNOS INACABADOS
L’école des femmes

Vient de paraître, à Madrid, un livre intitulé De Raiz (Des Racines), dont le sous-titre est Créations de femmes du monde. En effet, en plus de quatre poétesses espagnoles, ce groupe est composé de sept autres femmes écrivains, toutes arrivées en Espagne par les chemins de l’immigration.



La poésie et le besoin de dialogue les ont réunies ; les unes en voulant mieux connaître la vie de ces femmes étrangères qui marquent chaque fois plus le paysage urbain, les autres en offrant leur voix intérieure qui exprime, avec les mots forts et tendres de la langue espagnole, leurs souvenirs, leur tendresse, leur monde imaginaire plein de métaphores et leur monde réel plein d’images.

Parce qu’elles se sont parlé et écoutés longuement, depuis quatre ans, dans cet espace clos qu’elles ont appellé «Espace Maria Zambrano», du nom d’une écrivaine espagnole qui a vécu une grande partie de sa vie en exil ; parce qu’elles ont écrit et elles ont lu leurs créations respectives, ce livre est né dont l’édition et la publication sont le travail de Gloria Serrato Azat.

Elles sont arrivées de Colombie, du Chili, du Brésil et d’Algérie. Mais qui est cette femme espagnole qui trouve les mots pour se solidariser avec la souffrance d’une «mère de la place du 1er Mai», avec celles qui cherchent encore, à Buenos Aires, les disparus de l’époque de la dictature ? C’est Marta, une poétesse qui, entre les sombres fissures des tâches quotidiennes, cherche l’éclat de ces pierres précieuses que sont les mots.

«Des voix, des vies, des accents, des sons, des cultures, enfin ce qui m’accompagne dans mes différents changements, deviennent des mots.» Dans ces rencontres, faites de dialogues et d’échanges de cultures, l’amour est présent parce que connaître les autres et leur monde, c’est aussi aimer. C’est l’amour qui libère la parole et laisse chez ces écrivains une «sensation de plénitude», comme le reconnaît Gloria S. A.

L’amour est aussi bien entendu, venant de femmes un sujet qui apparaît dans plusieurs poèmes : L’amour pour l’enfant qui va naître. «Je veux te donner/la bienvenue dans mon corps/t’accueillir, avec les grands majuscules/du monde/te caresser, avec tous les soins de mon monde». L’amour pour la fille qui a déjà grandi : «Je reconnais qui je suis en te contemplant.» Ou bien l’amour pour le compagnon, pour l’amant, pour l’homme : «Attraction spontanée de ma main / vers chaque cellule de ton corps / Audace de nos pouls / qui laissent le pas à des caresses vascillantes.»

Parmi ces poèmes, il y a un récit écrit par une Algérienne, Souad Hadj-Ali Mouhoub. C’est de la mémoire de la narratrice, à la première personne, qu’émergent ces cinq jeunes filles, gaies, pleines de vie, belles, qui allaient à l’institut du village en rêvant, pour les années à venir, d’une vie hors du commun : elles seraient des femmes actives, libres, cette sorte de femmes qui savent décider, lutter et rire de bon cœur face à toutes les difficultés de la vie.

Mais l’une, tout d’abord puis les quatre autres seront enlevées par les terroristes du village, ces mêmes rats qui, à l’institut, n’osaient même pas s’approcher d’elles. Et le circuit tant connu se répète : travail, viol, violences, meurtre. La narratrice raconte comment elle a réussi à échapper à cet enfer en nous laissant le goût amer que produit le souvenir de cette réalité si terrible et si proche encore, réalité parfaitement reconstituée par l’imagination de l’auteur.

Adriana Lassel
Ecrivaine algéro-chilienne, ancienne universitaire au département des études des langues étrangères d’Alger
De Raiz, Cuadernos Inacabados. Madrid, décembre 2003. 156 p.4




Lounès Ramdani - 30 juillet 2003 - mise à jour 28 avril 2011